Le Point International – 8/7/2019

Propos recueillis par Olivier Ubertalli

Appelés à voter dimanche aux élections législatives, les Grecs ont voté à 39,7 % des suffrages pour Nouvelle Démocratie le parti de Kyriakos Mitsotakis, qui obtiendra 158 des 300 sièges que compte la Vouli, le parlement grec. Syriza, le parti de gauche d’Alexis Tsipras, n’obtient que 31,5 % des voix et 86 sièges. Malgré la reprise de la croissance depuis 2017, la population semble lassée des promesses du Premier ministre sortant, surnommé par certains le maître de la « kolotumba », c’est-à-dire de la cabriole. Le libéral Kyriakos Mitsotakis, du parti Nouvelle Démocratie, va devenir le prochain chef de l’exécutif. Lutte contre la pauvreté, amélioration des conditions d’emploi, baisse des impôts, rebond des investissements étrangers…, ses défis économiques sont nombreux, détaille George Pagoulatos, professeur de politique et d’économie européenne à l’université d’économie d’Athènes (AUEB).

Le Point : Quel est le bilan économique des quatre ans du gouvernement Tsipras ?

George Pagoulatos : Le gouvernement Tsipras a achevé un début catastrophique entre janvier et septembre 2015 avec une perte de la production, qui a transformé la faible reprise du produit intérieur en 2014 en une récession totale en 2015 et 2016. L’économie a ensuite progressé en 2017 (1,5 %), 2018 (1,9 %) et on attend une croissance d’environ 2 % cette année. La consommation et les exportations ont repris. Le marché du travail grec a été libéralisé dans le cadre des programmes d’ajustement économique. Cela a permis au chômage de diminuer plus rapidement que ne le suggère le taux de croissance très modeste de l’économie : le taux de chômage est tombé à 18 %, une réduction significative par rapport au pic de 23 %.

Tsipras a perdu les élections européennes, municipales et régionales. Pourquoi ne profite-t-il pas électoralement de cette reprise ?

En effet, la reprise est très tardive et très modeste compte tenu de la durée et de la profondeur de la récession et de l’ampleur des plans de rigueur mis en œuvre. Concernant le marché du travail, tous les nouveaux emplois créés sont surtout temporaires ou à temps partiel : ce sont des emplois précaires faiblement rémunérés. Aujourd’hui, un salarié grec sur trois travaille à temps partiel pour un salaire net de 317 euros, inférieur à l’allocation de chômage de 360 euros. Et la pauvreté reste la plus élevée de la zone euro, avec 34,8 % de la population exposée au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, selon les dernières données d’Eurostat (2017). En outre, les électeurs reprochent à Tsipras ses promesses extravagantes non tenues en 2015, les affaires, l’intervention du gouvernement dans le système judiciaire, la mauvaise gestion des incendies meurtriers de l’été 2018, où 100 personnes sont mortes et l’accord Prespa sur la Macédoine du Nord, qui a été très impopulaire, notamment dans le nord de la Grèce.

« Les Grecs restent favorables à l’UE et à l’euro »

L’Union européenne a-t-elle toujours mauvaise presse en Grèce ?

 

La zone euro a commis des erreurs importantes dans la gestion de la crise de la dette et dans son incapacité à la prévenir. Mais dans l’ensemble, l’influence de l’Union européenne en Grèce a été un facteur de stabilité et de modernisation économique et institutionnelle. Alors que les Grecs ont été déçus par la gestion de la crise par l’UE, l’opinion publique reste fortement favorable à l’Union européenne et à l’euro.

Quels secteurs économiques peuvent aider la Grèce à se faire une meilleure place au sein de l’Union européenne?

Le tourisme, la culture et le transport maritime sont les secteurs en plein essor. Mais il y a aussi l’agro-industrie, la logistique, les énergies, notamment renouvelables, les services de santé , en particulier pour les personnes âgées. L’enseignement supérieur est également un secteur au potentiel important si le prochain gouvernement met en œuvre les réformes promises. Enfin, de nombreuses start-up ont réussi dans les secteurs de la haute technologie et des logiciels.

 

Quel thème a dominé la campagne législative ?

Les impôts, que Syriza et Nouvelle Démocratie promettent de réduire. Une grande partie de la classe moyenne grecque se plaint d’une pression fiscale excessive. Un certain nombre d’études ont montré que la Grèce comptait toujours parmi les pays les plus imposés de l’Union européenne et que l’impact combiné de la hausse des cotisations fiscales et de sécurité sociale s’était aggravé au cours des dernières années.

Que pensez-vous du programme économique du gagnant de droite, le chef de Nouvelle Démocratie Kyriakos Mitsotakis ?

C’est un plan ambitieux qui promet de réduire considérablement les impôts tout en s’abstenant de toute réduction des dépenses, en plus de réduire le gaspillage. Kyriakos Mitsotakis peut lancer des réformes favorables au marché (telles que la réduction de la bureaucratie et les privatisations), inspirer une confiance accrue aux marchés, attirer les investissements privés (nationaux et étrangers) et augmenter le taux de croissance potentielle.

Par le passé, la droite a commis des erreurs, notamment Nouvelle Démocratie qui a eu une mauvaise gestion entre 2004 et 2009 et a laissé un déficit budgétaire de 15 % et une dette publique importante qui a entraîné le krach de 2010. Mais le gouvernement ND dirigé par les Samaras (en coalition avec le Pasok en 2012-2014 a mieux réussi à mettre en œuvre l’ajustement économique et à laisser un héritage économique positif, qui a été gaspillé par la suite par la gestion économique désastreuse et l’échec des négociations sur la période Tsipras-Varoufakis.

Aujourd’hui, Kyriakos Mitsotakis arrive bien préparé. Il possède une bonne formation académique et a de l’expérience au gouvernement et au cours de son mandat précédent dans le secteur privé. Il connaît les marchés et la communauté des investisseurs et a élaboré son plan économique avec le plus grand soin.

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